
Utagawa Kuniyoshi invite le fantastique dans l’estampe japonaise
Dans la grande famille des artistes de l’ukiyo-e, Kuniyoshi est un électron libre, un conteur visuel, un amoureux des récits épiques... et probablement l’un des illustrateurs les plus originaux de l’époque Edo. Entre samouraïs tatoués, monstres farfelus et poissons géants qui parlent (oui, vraiment), Kuniyoshi a dessiné un Japon vibrant, héroïque et fantastique.
Chez Kogedo, on le tient en haute estime. Parce qu’il a osé, il a rêvé, et surtout : il a dessiné comme personne d’autre.
Un jeune talent nourri de soie et d’histoires
Né en 1797 à Edo dans une famille de teinturiers sur soie, Kuniyoshi baigne très tôt dans le monde des couleurs et des motifs. À 14 ans, il entre dans l’atelier d’Utagawa Toyokuni I (le même que Kunisada, tiens tiens) et prend le nom de Kuniyoshi.
Au début, sa carrière peine un peu à décoller. Il faut attendre les années 1820 pour que la chance tourne, avec la commande qui va tout changer...
Les héros du Suikoden : la série qui le propulse
C’est sa série des 108 héros du Suikoden qui le fait connaître. Inspirée d’un roman chinois populaire, elle met en scène des bandits justiciers aux corps tatoués, en plein combat ou dans des poses ultra stylées.
Ces images, avec leur énergie brute, ont marqué leur époque. Les jeunes d’Edo en faisaient même des modèles de tatouages – une première dans l’histoire de l’estampe.
Tôma :
"Ce que j’aime chez Kuniyoshi, c’est qu’il ne se contente pas de représenter. Il raconte. Ses estampes, ce sont des romans illustrés en une image. Et parfois, on y voit des trucs qu’on n’a jamais vus ailleurs."
Un artiste qui ne s’est jamais enfermé dans un style
Kuniyoshi, c’est le genre d’artiste qu’on n’enferme pas dans une case. Guerriers, yokai, animaux farceurs, beautés élégantes, caricatures... Il touche à tout. Il peut illustrer une bataille sanglante un jour, et dessiner des chats qui font du sumo le lendemain.
Et même dans ses paysages, on sent une imagination foisonnante : montagnes ondulantes, eaux tourbillonnantes, créatures cachées... Son Japon est autant réel que fantastique.
Mais attention, Kuniyoshi ne faisait pas que dans le spectaculaire ou le surnaturel. Il a aussi produit de nombreuses séries plus classiques, comme des yakusha-e (portraits d’acteurs de kabuki) et des bijin-ga, avec autant de maîtrise que d’originalité.
L’art de contourner la censure (avec humour)
Pendant la période des réformes Tenpō (années 1830), les artistes subissent une censure stricte. Finis les shunga, les critiques sociales, les images de luxe…
Mais Kuniyoshi, malin comme un renard (ou un tanuki, poko !), trouve des solutions. Il glisse des messages codés, remplace les humains par des poissons ou des animaux humanisés, et tourne tout en dérision. Résultat : il amuse tout en dénonçant. Une sorte de Charlie Hebdo de l’estampe.
Un imaginaire sans fin, et une influence durable
Au fil des décennies, Kuniyoshi devient une figure incontournable. Il forme des élèves comme le très célèbre Tsukioka Yoshitoshi (qu’on adore aussi), et son style explosif influence durablement l’estampe japonaise. Mais son empreinte va bien au-delà : on retrouve aujourd’hui des clins d’œil à ses œuvres dans les manga, les jeux vidéo, et bien sûr dans l’univers du tatouage japonais, où ses guerriers tatoués continuent d’inspirer des générations d’artistes de l’aiguille.
C’est sans doute cette modernité instinctive, ce côté narratif et visuel si proche des codes d’aujourd’hui, qui expliquent pourquoi Kuniyoshi est aujourd’hui l’un des artistes d’estampe les plus populaires du grand public. Il parlait déjà notre langage, mais avec un pinceau et du papier washi.
Et si un jour vous passez par la charmante ville de Kurashiki, ne manquez surtout pas le musée Kuniyoshi : une petite merveille nichée dans le quartier historique, que nous avons eu la chance de visiter. Un lieu inspirant, à l’image de l’artiste lui-même.
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