Artisan japonais appliquant de la laque urushi sur un bol dans un atelier traditionnel à la lumière naturelle.

Laque japonaise urushi : fabrication, histoire et savoir-faire artisanal

🏮 La laque japonaise urushi : quand la patience devient lumière

🌸 L’urushi, ce n’est pas qu’une laque

Sur les marchés d’antiquités de Kanazawa, Kogechan tombe souvent sur des bols noirs si brillants qu’ils semblent faits de nuit liquide.
“Urushi”, lui dit le vendeur.
Pas un nom de marque — le mot “urushi” (漆) désigne la sève naturelle extraite d’un arbre, l’urushi-no-ki.

Mais attention, au Japon, on ne confond pas tout :

  • Urushi, c’est la matière, la sève et la laque elle-même.
  • Shikki (漆器), ce sont les objets fabriqués avec cette laque : bols, boîtes, inrō, plateaux…
  • Et nuri (塗り), c’est le style ou la manière d’appliquer la laque — d’où les célèbres Wajima-nuri ou Aizu-nuri.

Chaque mot raconte un aspect de cet art ancien.
Et tous ensemble, ils résument ce qu'on aime : le mariage de la technique, du geste et du temps.

Boîte artisanale japonaise ancienne en laque, couvercle décoré de fleurs maki-e, signée Zohiko, ouverte partiellement.

🌿 Une histoire ancienne, façonnée par les Japonais

L’histoire de la laque japonaise commence il y a des millénaires.
On a retrouvé des bols recouverts d’urushi datant de la période Jōmon (–9000 à –300 av. J.-C.).
Neuf mille ans, les amis. Neuf. Mille. Ans. Et certains de ces bols ont encore leur éclat d’origine (bon, presque...).

Sous les époques Nara (710–794) et Heian (794–1185), la laque devient un art raffiné.
Les temples bouddhiques, les coffrets d’encens, les armures de samouraïs et les peignes de cour se parent d’urushi.
Mais la brillance de la laque japonaise n’est pas celle de l’ostentation — c’est une brillance silencieuse, née de la patience.

🌳 L’arbre à laque

L’urushi vient d’un arbre nommé urushi-no-ki (Toxicodendron vernicifluum).
On incise son tronc avec soin, et il “pleure” une sève laiteuse : c’est l’urushi brut.
Chaque arbre donne à peine 250 grammes de cette précieuse résine par an.

Cette sève contient une molécule appelée urushiol, la même famille que celle du sumac toxique.
Avant d’être transformée, elle peut provoquer de sévères irritations cutanées.

Les artisans récolteurs, les urushi-kaki, sont rares et respectés.
Leur geste est précis, presque rituel. Chaque arbre porte les cicatrices de plusieurs saisons de récolte, et certains maîtres connaissent chaque tronc comme un vieil ami.
C’est une relation empreinte de respect : on ne prend que ce que l’arbre veut bien offrir.

Récolte de la sève d’urushi sur un arbre à laque urushi-no-ki au Japon, sève naturelle utilisée pour la laque japonaise.

⚗️ De la sève à la lumière : la fabrication de la laque japonaise

Une fois récoltée, la sève est filtrée et battue jusqu’à devenir une pâte translucide appelée ki-urushi.
C’est la base de tout.
Ensuite, l’artisan laqueur — l’urushi-shi (漆師) — entre en scène.

Le processus est d’une lenteur fascinante :

  1. Application d’une première couche sur le bois.
  2. Séchage dans une pièce humide (furo), car l’urushi durcit grâce à l’humidité.
  3. Ponçage fin, polissage, nouvelle couche.
  4. Et ainsi de suite.

Faire une pièce en laque japonaise, c’est un marathon, pas un sprint : entre la préparation, les dizaines de couches et les temps de séchage, il faut souvent plusieurs semaines, parfois des mois, pour achever un seul shikki.
Un bol de laque réussi est donc autant une prouesse technique qu’un acte de méditation.

💬 Fun fact de Kogechan : certaines familles d’artisans possèdent encore des “furo” (pièces de séchage) où l’humidité est contrôlée naturellement avec du charbon de bois et des bassins d’eau. C’est de la chimie… sans chimie !

nfographie illustrant les étapes de fabrication de la laque japonaise urushi : application, séchage, polissage et finition.

🎨 Les grandes techniques de laque japonaise

La laque japonaise ne se contente pas de recouvrir : elle décore, elle sculpte, elle illumine.
Parmi les grandes techniques de nuri, on trouve :

  • Maki-e (蒔絵) : on saupoudre de la poudre d’or ou d’argent sur la laque encore fraîche.
  • Raden (螺鈿) : incrustation de nacre chatoyante.
  • Negoro-nuri (根来塗) : rouge sur noir, dont les couches inférieures réapparaissent avec l’usage.
  • Kanshitsu (乾漆) : objets moulés en chanvre laqué, à la fois légers et solides.

Chaque style de nuri révèle la main de l’artisan et la philosophie de sa région.
Le résultat : des shikki uniques, qui allient fonction et beauté intemporelle.

Gros plan sur une grue en vol, détails en maki-e doré et nashijimotifs fleurs du kogai et du kushi kogedo en bois ancien laqué

👉 Bientôt sur le blog : des chroniques sur les différentes techniques de laques ! 

🏔️ Les grands centres de la laque japonaise

Le Japon compte plusieurs foyers historiques de laque. Parmi les plus connus :

  • Wajima (Ishikawa) : célèbre pour le Wajima-nuri, un shikki robuste à base de poudre de terre diatomée.
  • Aizu (Fukushima) : réputé pour son Aizu-nuri, raffiné et finement doré.
  • Kanazawa : ville d’artisans d’or et de laque, où l’urushi s’unit à la feuille d’or.
  • Kyoto et Kamakura : laques plus sobres, liées aux arts religieux et à la tradition zen.

Chaque région perpétue son style de nuri et sa signature.
Et beaucoup des shikki anciens qu'on déniche chez KOGEDO proviennent de ces ateliers, où le temps semble encore se mesurer au rythme du pinceau.

Carte illustrée du Japon servant à localiser les principales régions de la laque japonaise : Wajima, Aizu, Kanazawa et Kyoto.

🍵 Les objets en laque : du bol à riz au trésor d’artisan

L’urushi a recouvert tous les objets du quotidien japonais :
des bols à soupe miso aux boîtes à encens, des inrō suspendus aux ceintures des samouraïs jusqu’aux boîtes à bijoux et peignes délicatement décorés.

Mais attention — ne confondez pas la vraie laque japonaise avec les bols en plastique “façon laque” !
Les vrais shikki sont froids au toucher, leur brillance semble venir de l’intérieur, et ils se patinent avec le temps.
Le plastique, lui, finit terne et sans âme.

💬 Astuce de Kogechan : pour entretenir un shikki, un simple chiffon doux suffit. Pas d’eau chaude, pas de soleil, pas de stress. La laque aime la lenteur.

Bol vintage japonais fermé avec couvercle, décor de hagi doré, vue de côté

🕊️ La laque japonaise, ou la beauté du temps lent

L’urushi, c’est l’opposé de la modernité pressée.
Il faut du temps, du calme et une main sûre.
Chaque bol, boîte ou natsume en laque est une petite leçon de philosophie : rien de beau ne se fait vite.

Les shikki japonais sont la preuve que l’artisanat peut défier les siècles sans perdre sa poésie.

👉 Découvrez les trésors en laque japonaise sur KOGEDO 

 

💬 FAQ — La laque japonaise urushi, shikki et nuri

Qu’est-ce que la laque japonaise urushi ?
→ L’urushi est une sève naturelle extraite de l’arbre à laque (urushi-no-ki), utilisée au Japon depuis plus de 9 000 ans pour recouvrir et protéger les objets artisanaux.

Quelle est la différence entre urushi, shikki et nuri ?
Urushi désigne la matière, shikki les objets en laque, et nuri les techniques ou styles régionaux d’application (comme Wajima-nuri ou Negoro-nuri).

Comment reconnaître une vraie laque japonaise ?
→ Une vraie laque urushi est froide au toucher, légèrement satinée, et sa brillance semble venir de l’intérieur. Rien à voir avec les bols en plastique “façon laque”.

Combien de temps faut-il pour fabriquer un objet en laque ?
→ Entre la récolte, la préparation et les multiples couches, il faut souvent plusieurs semaines, parfois des mois, pour achever un seul shikki.

Où sont fabriquées les laques japonaises les plus connues ?
→ À Wajima, Aizu, Kanazawa et Kyoto — chacune avec sa propre tradition de nuri et son style unique.

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